Introducing the new teacher | feat. Rin

Ses doigts courraient sur le tissus de belle facture. D'un bleu nuit un peu fané, il était lavé de frais, spécialement pour l'occasion. Il n'était pas neuf. Ce n'était pas la première fois qu'elle portait la tenue d'exorciste, oh non. Elle était déjà une exorciste confirmée depuis un petit moment. Alors forcément, sa tenue avait vu défiler un certain nombre de missions. De même, ce n'était pas la première qu'elle possédait. C'était même la troisième, pour être exact. Les deux première avaient du être remplacée. Simplement parce que certains démons ont tendance à... Sécréter des substances... Corrosives.
Son regard glissa sur la surface du miroir, survolant son reflet, quittant le col de sa tenue après une inspection rigoureuse pour se braquer sur ses propres yeux. Puis il se perdit dans le vague un court instant, cependant qu'elle se rappelait les circonstances des destructions précédentes. La première fois fût la plus choquante. Elle avait bien cru qu'elle allait y passer.
Elle soupira. Non, aujourd'hui elle devait être positive, que diable ! Une lueur de détermination brilla au fond de son regard. L'auto-persuasion, c'était la clé.

C'était parce que l’appréhension la rongeait, comme un petit feu persistant dans ses tripes, qu'elle focalisait autant sur les détails. Elle avait passé encore plus de temps qu'à son habitude à se préparer et à parfaire sa mise. D'ailleurs, le mot d'ordre, c'était celui-là : la perfection. Cela lui permettait de se sentir parfaitement maîtresse d'elle-même et de la situation, pour se rassurer.
Jouant des pinceaux et des brosses avec art, elle s'était fait une beauté. C'était pour faire bonne impression, et aussi pour sembler moins jeune qu'elle n'en avait l'air. Parce que, du haut de ses vingt quatre ans, la rouquine paraissait désespéramment jeune. Souvent, on la prenait pour une étudiante. Ce qui avait le don de la faire enrager. Parce que, bon, comment voulez-vous qu'on vous respecte si on vous traite comme une adolescente innocente. Et innocente, elle était loin de l'être. C'est impossible, dans le métier qu'elle exerce.

Elle serra le poing. Inspira profondément pour se calmer. Pivota à droite et à gauche pour se mirer dans la glace en pieds qui occupait un coin de sa chambre.
Elle avait hésité entre la jouer totalement scolaire (c'est-à-dire porter un tailleur ou quelque chose de strict sous son manteau d'exorciste), ou adapter les choses à sa façon. Finalement, elle avait opté pour la seconde option. Si elle voulait que ça se passe bien, autant rester elle-même. C'est pourquoi elle portait le long manteau ouvert sur une de ses tenues de prédilection. Comme c'était le printemps, il s'agissait d'un cache-cœur noir et cintré, avec une jupe portefeuille couleur rouille, l'une de ses favorites. En guise de chaussures, elle avait choisi une paire de sandales à talons ouvertes sur le devant et fermées par un entrelacs de lacets. Mais comme elle avait une vision de la mode bien à elle, elle avait ajouté à cela un collier en pierre jaune. Un mélange un peu particulier, certes, mais il n'y avait qu'ainsi qu'elle se sentait bien.
Elle vérifia une énième fois sa mise, passant ses doigts dans ses cheveux pour les ébouriffer, ajustant l’élastique jaune qu'elle utilisait pour empêcher ses mèches de lui dévorer le visage.

Aujourd'hui était le premier jour d'une nouvelle phase de sa vie. Aujourd'hui, elle allait donner son premier cours en tant que prof d'exorcisme. Qu'est-ce que les élèves allaient penser d'elle ? Et si ils la trouvaient nulle ? Ennuyante ? Ou pire... Incompétente ? Ou encore... Si on plaçait un membre de l'administration dans la salle pour l'évaluer ?
Quelle horreur ! Il fallait qu'elle arrête de se poser toutes ces questions et de s’imaginer des plans tordus ! Sinon, c'est sûr, elle allait perdre tous ses moyens.
Pour se calmer, et parce que l'heure tournait et qu'elle ne tenait pas à être en retard, elle fît ce qu'elle savait bien faire : vérifier une énième fois que son sac était parfaitement prêt.
Tout y était : une armée de feuilles, des stylos de toutes les tailles et toutes les couleurs, un paquet de craies, un effaceur, des fiches à faire remplir aux élèves, des mouchoirs... Ainsi qu'un colossal grimoire. Elle avait envie de démarrer ses cours par l'étude d'une des pièces majeures de sa collection... Bien que celle-ci ne fût pas très étendues pour le moment (ben oui, ça coûte une blinde ces vieux tas de papier !).
Tout y était, mais pourtant, un affreux doute persistait...
Elle décide qu'elle se faisait sûrement des idées. Il était plus que temps d'y aller.

Elle s'arma de son sac et se tourna vers la porte de sa penderie, déterminée. Elle glissa sa main dans sa poche, et elle se referma sur... Le vide.
Ses yeux s'agrandirent comme des soucoupes.
La clé. La saloperie de clé. Où était-elle ?



Elle retourna complètement son appartement. Une horde de goules n'aurait pas fait mieux pour saccager l'ordre du petit logement. Mais toujours pas de clé en vue. Elle dû se rendre à l'évidence : elle avait perdu sa clé.
L’événement lui avait fait perdre quinze minutes. Elle était en retard.
Les cheveux encore plus en pétard qu'à son habitude, les joues rouges, essoufflée et transpirante, elle se rua au dehors. Tant pis. Il fallait qu'elle réclame une clé de rechange, et il ne lui restait plus beaucoup de temps.
Elle trébucha sur les pavés inégaux de la rue et jura. Quelle idée de mettre des talons !

Finalement, lorsqu'elle poussa la porte de la salle de classe, l'heure était dépassée depuis une bonne demi-heure. Elle fonça droit sur le bureau, lâcha lourdement son sac sur le meuble, et seulement alors, relava la tête pour découvrir les visages de ses élèves. Qui tiraient tous une tête de trois mètres de long. Super. Une explication s'imposait.



Elle s'éclaircit la gorge. Merde, elle avait bafouillé ! Elle faisait pourtant des efforts pour empêcher cela.



Ne leur dit surtout pas la vérité, pauvre nulle, autrement ta crédibilité est foutue dès le début.



Oups. C'était peut-être un peu brutal... Ou ça pouvait la faire passer pour quelqu'un de ferme. Ce qui était plutôt positif... Non ?